jeudi 1 mars 2007

Jeanne d'Arc à Domrémy (Ch.Péguy)


Adieu, Meuse endormeuse et douce à mon enfance,
Qui demeure aux prés où tu coules tout bas
Meuse, adieu : j'ai déjà commencé ma partance en des pays nouveaux où tu ne coules pas
Voici que je m'en vais en des pays nouveaux
Je ferai la bataille et passerai es fleuves
Je m'en vais m'essayer à de nouveaux travaux
Je m'en vais commencer là-bas les tâches neuves
Et pendant ce temps-là, Meuse ignorante et douce
Tu couleras toujours, passante accoutumée
Dans la vallée heureuse où l'herbe vive pousse
O Meuse inépuisable et que j'avais aimée
Tu couleras toujours dans l'heureuse vallée
Où tu coulais hier, tu couleras demain
Tu ne sauras jamais la bergère en allée
Qui s'amusait, enfant, à creuser de sa main
Des canaux dans la terre, à jamais écroulés
La bergère s'en va, délaissant les moutons
Et la fileuse va, délaissant les fuseaux
Voici que je m'en vais loin de tes bonnes eaux
Voici que je m'en vais bien loin de nos maisons
Meuse qui ne sait rien de la souffrance humaine
O Meuse inaltérable et douce à toute enfance
O toi qui ne sais rien de la partance
Toi qui passe toujours et qui ne pars jamais
O toi qui ne sais rien de nos mensonges faux
O Meuse inaltérable, ô Meuse que j'aimais
Quand reviendrai-je ici filer encor la laine
Quand verrai-je tes flots qui passent par chez nous
Quand nous reverrons-nous, et nous reverrons-nous
Meuse que j'aime encore
O ma Meuse que j'aime

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